Introduction
Chers invités, chers délégués, cher Collègue Aumônier, Mme la modératrice, chers vice-modérateurs,
Qu’il est bon et qu’il est agréable de se réunir, certes masqués, mais tellement heureux de nous retrouver ici dans ce centre de vacances du Lazaret qui se bonifie année après année. Heureux de partager à nouveau nos manières de voir et de comprendre la bonne nouvelle de Jésus-Christ.
« Je vous encourage donc, mes frères, au nom de toute la magnanimité, la miséricorde de Dieu à offrir votre corps comme un sacrifice vivant, saint et agréé de Dieu ; Voilà quel sera pour vous le culte conforme, le culte vrai à la Parole. Ne vous conformez pas à ce monde-ci, mais soyez transfigurés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu ce qui est bon, agréé et parfait. » (Romains 12.1-2)
Frères et sœurs en Christ,
Les ministères
Notre synode va réfléchir sur les missions de l’Église et ministères.
Depuis plusieurs années, le Conseil régional encourage les associations cultuelles à réfléchir, et à redécouvrir les dons et charismes qui existent au sein de leurs Conseils presbytéraux, au sein de leurs communautés, au sein de notre Église. Cette prise de conscience que chaque personne a une place particulière et complémentaire au sein de l’Église qui nous accueille fait son chemin. Notre synode va, je l’espère, approfondir cette question et ouvrir sûrement d’autres pistes afin que nos Églises soient encore plus rayonnantes et accueillantes, toujours au service de Jésus-Christ pour notre monde. Dans la lettre aux Romains au chapitre 12 au verset 1, l’Apôtre Paul nous encourage à offrir nos corps comme un sacrifice vivant, saint et agréé de Dieu ; Voilà quel sera pour vous le culte conforme, le culte vrai nous dit-il. (Je répète cette phrase). Ce sacrifice vivant, cette offrande de notre vie, dit autrement cette relation vivante pleine et entière que nous cultivons avec notre Seigneur, notre Dieu et Père est fondamentale dans notre manière de vivre notre foi. Depuis un certain temps il y a une petite musique qui court dans les médias. Cette petite musique rappelle aux croyants qu’ils peuvent exercer leur foi en leur Dieu uniquement dans la sphère privée ou le dimanche matin. Cette petite musique lancinante, l’air de rien, je la trouve un peu agaçante.
Ne nous laissons pas enfermer !
Car cela soulève, à mes yeux, une question : Ce don de soi, cette relation vivante, ce dialogue que nous entretenons avec notre Seigneur, notre Dieu et Père, doit-il se vivre seulement dans nos lieux cultuels ? Genre : « je rentre dans le temple, je loue Dieu, je lui confie ce que je dois lui confier, j’écoute une bonne prédication, je prends un verre de l’amitié puis basta ! Dès que je sors du temple ma relation à Dieu est en standby et elle ne reprendra que lorsque je refranchirai la grande porte du temple. »
Ce don de soi, cette relation à Dieu de tout notre être, doit-elle se vivre seulement dans le domaine privatif ? Genre :« Dès que je rentre à la maison, j’appuie sur le bouton connexion avec Dieu et me voilà à nouveau dans une relation vivante avec Dieu. »
Mais de quelle humanité parle-t-on ? En quel Dieu croyons-nous ? Dans quelle compréhension de Dieu veut-on nous enfermer ?
Et bien non, nous ne nous laisserons pas enfermer dans nos lieux cultuels, dans nos vies personnelles. Nous ne laisserons pas un État, une idéologie « laïciste » réduire notre relation à Dieu à sa méconnaissance religieuse, à sa peur du religieux, à ses calculs politiciens en vue des présidentielles. Le Dieu en qui nous croyons ne s’est-il pas fait être humain pour réconcilier l’humanité toute entière avec Lui ? Il marchait sur les chemins, il entrait et sortait des synagogues, des maisons et lorsqu’une personne lui posait une question dans une maison, sur une place publique, près d’un lac il répondait à cette question. Il priait aussi comme bon lui semblait, souvent à l’écart sans être vu par tous, en toute discrétion, mais où bon lui semblait.
Nous sommes des êtres humains et lorsque nous sommes en relation c’est tout notre être qui est concerné (corps, âme et esprit). Il en va de même avec notre Dieu en qui nous plaçons toute notre confiance, à qui nous donnons, nous offrons notre vie. Quelle est donc cette conception qui court dans les médias et chez certains commentateurs qui vantent les mérites d’une religion qui ne serait que privative ou réduite aux seuls lieux cultuels ? Depuis quand saucissonne-t-on l’humanité de cette façon et décide-t-on de réduire notre liberté de croire ?
Nous sommes des êtres humains et le Dieu qui s’est fait être Humain en Jésus-Christ n’a pas dédaigné de nous rejoindre dans cette humanité, bien au contraire, il est allé jusqu’au bout puisqu’il a vécu la mort. Et aujourd’hui au nom d’une laïcité, souvent mal comprise, nous devrions instaurer une nouvelle religion celle de la foi : intermittente, celle de la foi : courant alternatif, celle de la foi : On and Off ! J’allume ! J’éteins ! Pardon, je m’emporte.
Cette mise au point terminée, un autre questionnement m’accompagne depuis plusieurs années. Lorsque l’Apôtre Paul nous encourage à offrir nos corps comme un sacrifice vivant, saint et agréé de Dieu comment entendons-nous cette notion de corps dans cette révolution numérique que nous vivons ?
Offrez vos corps !
Il est vrai que ce monde de l’image, du numérique, de l’internet, des réseaux sociaux, tout en nous connectant avec le monde entier, introduit une autre manière de cultiver des relations humaines.
Il est vrai aussi que le « face à face » de nos corps par l’interface d’un écran prend, petit à petit, plus de place dans notre vie de tous les jours, en entreprise, en Église, en famille. Se pose déjà la question dans certaines entreprises de l’utilité ou non de convoquer dans un même lieu les employés. Est-ce utile de les rassembler ? N’est-il pas plus économique, plus écologique, plus efficace, plus rentable de mettre en place ce télétravail numérique ?
Il me semble que nous devons être vigilants sur cette question.
Préparer une bénédiction de mariage, par exemple, via internet ce n’est pas la même réalité que vivre un face à face avec le couple, avec son langage corporel, les silences, une présence qui signifie quelque chose. Fort heureusement, bien souvent une première rencontre se fait par internet, et par la suite les uns et les autres nous éprouvons le besoin de nous voir en vrai, de nous côtoyer. Il ne s’agit pas ici dans mon propos d’opposer ce monde du numérique qui s’impose à nous et la foi en Jésus-Christ. Il s’agit simplement de nous appeler à être vigilants sur les idéologies qui se servent de cette révolution numérique pour introduire des pratiques qui risquent d’être dévastatrices pour notre humanité. Par exemple, court actuellement cette vieille idée que notre corps n’est qu’une simple enveloppe et qu’une vie rêvée peut se vivre aussi via le numérique. La création d’avatars numériques que nous propose actuellement Facebook avec le métaverse s’inscrit dans cette logique. Autre phénomène plus ancien, les mégapoles qui fleurissent un peu partout dans le monde favorisent la déconnexion avec la nature, le passage d’une saison à une autre est de moins en moins visible pour les humains qui vivent dans ces mégapoles. Enfin, des sommes d’argents colossales sont investies pour que se développent les recherches sur un être humain de plus en plus augmenté. C’est à dire que l’on ne cherche pas à réparer ce qui est cassé, mais à augmenter les potentialités humaines. Pourquoi notre humanité, par le biais de certaines idéologies, cherche à se démarquer du corps, s’en détacher, s’en affranchir, le dénaturer ou le rendre plus compétitif, plus durable par la technique ? Comment parler du corps dans ce monde du numérique qui s’installe ? Et si le Dieu en qui nous croyons s’est donné la peine de se révéler en son humanité il y a plus de 2000 ans et pas dans ce 21ème siècle ce n’est pas par hasard, non plus. Il me semble que nous avons une belle responsabilité pour les générations à venir, qui est celle de réfléchir profondément et posément sur cette question de notre corporéité et de la foi en Dieu. Enfin, il me semble que la question que pose le psalmiste à Dieu est toujours d’une actualité brûlante ! « Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui ? Qu’est-ce que l’Être humain pour que tu t’occupes de Lui ? » (Psaume 8)
La belle image de soi ou de l’institution une illusion !
« Ne vous conformez pas à ce monde-ci, mais soyez transfigurés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu ce qui est bon, agréé et parfait. » nous dit encore l’Apôtre Paul.
Certains peuvent entendre cette Parole comme une posture anticonformiste que l’Apôtre use afin que les chrétiens se différencient des autres. D’autres nous alertent sur le piège de vouloir être hors monde et donc plus en adéquation avec celui-ci et risquer de devenir comme des Amish aux USA.
Il me semble que cette exhortation de l’Apôtre Paul annonce autre chose.
Pour que notre intelligence soit transfigurée, il faut une belle et féconde relation avec le Seigneur Jésus qui, grâce au don de l’Esprit Saint, nous permet non seulement de rendre gloire à Dieu notre Père mais aussi nous ouvre la possibilité de mieux discerner la volonté de notre Dieu pour le temps présent. Et ce discernement c’est l’œuvre de toute notre vie, de tout notre être et cela chaque jour. Nous sommes loin ici, et même très loin du « On and Off ».
Et c’est, peut-être, dans ce discernement que se situe notre difficulté aujourd’hui.
Nous sommes, bien souvent, prisonniers de cette autre idéologie dominante qui se nomme « la course poursuite à la bonne image de soi » tant au niveau individuel, qu’au niveau d’une institution qu’elle soit entrepreneuriale, étatique, ou religieuse.
Chaque civilisation produit une idéologie pour asservir sa population. À l’époque de la Réforme c’était la course au mérite pour atteindre le ciel, aujourd’hui c’est la course à la belle image de soi pour atteindre une satisfaction de soi plus ou moins immédiate. Satisfaction qui devra être réalimentée le plus rapidement possible car ce désir-là est insatiable. Dans quelle mesure, individuellement parlant, sommes-nous devenus le jouet de cette course poursuite ? Dans quelle mesure notre Église ne tombe-t-elle pas, elle aussi, dans ce même piège, comme si construire, obtenir une belle image de l’Église était un objectif en soi ?
L’Église c’est Jésus-Christ. Et Jésus-Christ par ses Paroles, ses Actes cherchait-il une bonne image de Lui-même ? Si c’était son objectif, un bon communiquant lui dirait aujourd’hui : « si vous continuez comme cela, monsieur Jésus, vous ne toucherez personne car vos propos sont trop radicaux, et certains de vos actes remettent en question l’ordre public. Si vous continuez comme cela, vous allez vous mettre à dos votre communauté juive, et les autorités romaines vous corrigerons et vous finirez seul ». Ah les communicants !
Mais se construire une belle image de soi n’était pas l’objectif de Jésus-Christ. Son objectif était par sa vie, sa crucifixion, sa mort et sa résurrection de libérer la Création, et en particulier l’être humain, de toutes sortes de chaînes qui l’empêchaient d’être justement un être humain à part entière. En effet, notre humanité avait oublié qu’elle était pleinement humanité parce qu’en communion avec Dieu avant la chute. L’objectif de notre Seigneur a été réalisé à la Passion. Il a pleinement accompli son œuvre de libération. Et nous, en tant qu’Église de Christ-Jésus notre Seigneur nous ne sommes là que pour proclamer à tous les captifs qu’ils sont déjà libérés de toutes les chaînes possibles et inimaginables que notre humanité est capable de se fabriquer. Ils sont non seulement déjà libérés de toutes ces chaînes, mais en plus ils peuvent vivre dans leur vie de tous les jours le fruit de l’Esprit Saint : paix, joie, amour bienveillance… Il suffit simplement d’offrir chaque jour nos corps comme un sacrifice vivant !
C’est, peut-être, cet objectif là que nous avons perdu de vue. Et lorsque votre vision se voile, devient floue comment voulez-vous que Dieu nous envoie ses enfants si nous ne sommes même plus capables de dire haut et fort : et ici ce ne sont que mes mots : « Jésus est mon Seigneur et mon Dieu. Il est celui qui m’a libéré de toutes ces chaînes invisibles qui m’empêchaient de voir et d’aimer Dieu tel qu’il est vraiment, qui m’empêchaient de vivre des relations paisibles et normales avec mon prochain. » Si nous ne sommes même plus capables de dire avec nos mots ce que nous sommes grâce à Jésus-Christ, pourquoi voulez-vous que notre Église se perpétue et accueille les enfants de notre Seigneur afin de les édifier ?
Nous ne sommes pas là pour dire seulement à notre monde : « voyez comme nous sommes gentils, voyez comme nous sommes de bons élèves. Nous sommes pour l’écologie, nous respectons la laïcité, et alors ? … » mais ce monde n’a que faire de notre suivisme aussi bien-pensant et juste soit-il. Nous ne lui sommes d’aucune utilité si nous persévérons sur ce seul chemin. Nous sommes là au nom de Jésus-Christ pour être un poil à gratter, voire un caillou dans la chaussure, voire même un grain de sable qui bloque le rouage de la machine si ce monde ne respecte plus et la Création et l’être humain dans sa fragilité, dans sa différence, dans son handicap, dans sa liberté de placer sa confiance en Jésus-Christ, d’en vivre et d’en témoigner.
Il est vrai…mais pourtant
Il est vrai que nous faisons suite à une pandémie, qui n’est pas encore achevée, et que nos vies en Église ont été profondément impactées…mais n’est-ce pas le lot de tant de générations qui nous ont précédés et qui ont dû, tout en affrontant la guerre, parfois la peste, parfois les persécutions, résister ; pour autant ont-elles baissé les bras, se sont-elles arrêtées de proclamer Jésus-Christ ? Si elles avaient cessé nous ne serions pas là dans ce cadre magnifique du Lazaret.
Il est vrai que notre pays est frappé régulièrement par des attentats, il est vrai que la période électorale des présidentielles via les médias laisse filtrer des thèses négationnistes, des propos insultants pour les français musulmans de notre pays, une haine de l’étranger qui rappelle de mauvais souvenirs à la génération de nos parents et grands-parents…mais pour autant va-t-on se taire et se terrer afin de ne pas faire de vagues. Non, nous allons continuer à annoncer Jésus-Christ ce juif, n’en déplaise à certains, qui nous dit encore ce soir : « Venez à moi, vous qui peinez sous la charge ; moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et laissez-vous instruire par moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Car mon joug est bon (doux) (facile) et ma charge légère »
Merci pour votre écoute
Pasteur Jean-Pierre JULIAN
Président du Conseil régional en Cévennes-Languedoc-Roussillon